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Page:Niemcewicz - Notes sur ma captivité à Saint-Pétersbourg.djvu/45

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BATAILLE DE MACIEIOWICE.

de lassitude, tandis que lui s’amusait à me promener, à travers les nombreux bataillons russes, enflés de l’orgueil que leur inspirait leur victoire, et remplissant l’air de leurs insolentes clameurs. Plusieurs de leurs officiers criaient à mon conducteur : Pourquoi ne pas le tuer ? tue-le ! tue ! et il m’aurait peut-être rendu ce service, dont je n’aurais pas été fâché pour ce moment-là ni pour la suite, sans l’arrivée d’un commandant de régiment nommé Miller, qui me parla avec civilité et humanité, gronda l’officier qui m’avait dépouillé, et se chargea lui-même de me conduire au quartier général.

Nous traversâmes encore une fois, tout le champ de bataille ; la terre était jonchée de cadavres déjà tous dépouillée et laissés nus. Ce spectacle déchirant avait quelque chose de grand, même dans son horreur. Tous ces soldats ayant pour la plupart six pieds de haut, étendus, la poitrine percée de baïonnettes, ces membres nerveux couverts d’un sang déjà figé, la menace ou le désespoir qui se peignait encore dans leurs traits livides et glacés par la mort, mais surtout l’idée que ces braves étaient morts pour la patrie en la couvrant de leur sein, remplissait mon âme d’une impression aussi douloureuse que profonde, et qui ne s’effacera jamais.

Nous trouvâmes le commandant en chef, Fer-