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Page:Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra.djvu/144

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Le Chant de la Nuit.
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Il fait nuit : voici que s’élève plus haut la voix des fontaines jaillissantes : Et mon âme, elle aussi, est une fontaine jaillissante.

Il fait nuit : c’est maintenant que s’éveillent tous les chants des amoureux. Et mon âme, elle aussi, est un chant d’amoureux.

Il y a en moi quelque chose d’inapaisé et d’inapaisable qui veut élever sa voix. Il y a en moi un désir d’amour qui parle lui-même le langage de l’amour.

Je suis lumière : ah ! si j’étais nuit ! Mais ceci est ma solitude d’être enveloppé de lumière.

Ah ! que je sois sombre et nocturne ! comme je suçerais les mamelles de la lumière !

Et je vous bénirais encore, vous, petites étoiles qui scintillent là-haut, vers luisants ! — et je serais bienheureux de vos cadeaux de lumière.

Mais je vis de ma propre lumière, j’absorbe en moi-même les flammes qui jaillissent de moi.

Je ne connais pas la joie de ceux qui prennent ; et souvent j’ai rêvé que voler était une plus grande volupté encore que prendre.