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Page:Nietzsche - Aurore.djvu/123

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AURORE

navant « nos droits ». De même, si notre pouvoir augmente d’une façon considérable, le sentiment de ceux qui le reconnaissaient jusqu’à présent et dont nous n’avons plus besoin se transforme : ils essayeront bien de réduire ce pouvoir à sa dimension première, ils voudront s’occuper de nos affaires en s’appuyant sur leur devoir, — mais ce ne sont là que paroles inutiles. Partout où règne le droit on maintient un état et un certain degré de pouvoir, on repousse toute augmentation et toute diminution. Le droit des autres est une concession de notre sentiment du pouvoir, au sentiment du pouvoir des autres. Quand notre pouvoir se montre profondément ébranlé et brisé, nos droits cessent : par contre, quand nous sommes devenus beaucoup plus puissants, les droits des autres cessent pour nous d’être ce qu’ils ont été jusqu’à présent. — L’« homme équitable » a donc besoin sans cesse du toucher subtil d’une balance pour évaluer les degrés de pouvoir et de droit qui, avec la vanité des choses humaines, ne resteront en équilibre que très peu de temps et ne feront que descendre ou monter : — être équitable est donc difficile et exige beaucoup d’expérience, de la bonne volonté et énormément d’esprit.

113.

L’aspiration à la distinction. — Celui qui aspire à la distinction a sans cesse l’œil sur le prochain et veut savoir quels sont les sentiments de celui-ci : mais la sympathie et l’abandon dont ce penchant a