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Page:Nietzsche - Aurore.djvu/140

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AURORE

de lui que la parole lui revînt, — pendant ce temps aucun muscle de mon visage ne bougea et je ne fus pris d’aucun sentiment, ni de crainte ni de pitié, je fis simplement ce qu’il y avait à faire de plus pressant et de plus raisonnable, puis je m’en allai froidement. En admettant que l’on m’ait annoncé la veille que le lendemain à onze heures quelqu’un tomberait ainsi devant mes pieds, j’aurais souffert les tortures les plus variées, je n’aurais pas dormi de toute la nuit, et au moment décisif je serais peut-être devenu semblable à cet homme au lieu de le secourir. Car dans l’intervalle tous les instincts imaginables auraient eu le temps de se figurer et de commenter le fait divers. — Que sont donc les événements de notre vie ? Bien plus ce que nous y mettons que ce qui s’y trouve ! Ou bien faudrait-il même dire : ils sont vides par eux-mêmes ? Vivre, c’est inventer ? —

120.

Pour tranquilliser le sceptique. — « Je ne sais absolument pas ce que je fais ! Je ne sais absolument pas ce que je dois faire ! » — Tu as raison, mais n’aie à ce sujet aucun doute : c’est toi que l’on fait ! Dans chaque moment de ta vie ! L’humanité a, de tous temps, confondu l’actif et le passif, ce fut là son éternelle faute de grammaire.

121.

« Effet et cause » ! — Sur ce miroir — et notre