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Page:Nietzsche - Aurore.djvu/233

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AURORE

qui, sur la terre natale, commençait à dégénérer en un malaise dangereux et un penchant criminel, gagnerait au dehors un naturel sauvage et beau et s’appellerait héroïsme. — C’est ainsi qu’un air plus pur reviendrait sur la vieille Europe maintenant trop peuplée et repliée sur elle-même ! Qu’importe si l’on manque un peu de « bras » pour le travail ! Peut-être se souviendra-t-on alors que l’on ne s’est habitué à beaucoup de besoins que depuis qu’il devint facile de les satisfaire, — il suffira de désapprendre quelques besoins ! Peut-être aussi introduira-t-on alors des Chinois : et ceux-ci amèneraient la façon de vivre et de penser qui convient à des fourmis travailleuses. Ils pourraient même, en somme, contribuer à infuser au sang de l’Europe turbulente et qui se consume, un peu de calme et de contemplations asiatiques et — ce qui certes est le plus nécessaire — d’endurance asiatique.

207.

Comment se comportent les Allemands vis-à-vis de la morale. — Un Allemand est capable de grandes choses, mais il est peu probable qu’il les accomplisse, car il obéit, où il le peut, ainsi que cela convient aux esprits paresseux par essence. S’il est placé dans la situation périlleuse de demeurer seul et de secouer sa paresse, s’il ne lui est plus possible de se tapir comme un chiffre dans un nombre (en cette qualité, il a infiniment moins de valeur qu’un Français ou un Anglais) — il découvrira ses forces : alors il devient dangereux, mé-