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Page:Nietzsche - Aurore.djvu/329

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AURORE

la guérison des hommes malades. Mais jadis on était convaincu que l’homme était le but de la nature, au point que l’on admettait, sans plus, que la connaissance ne pouvait rien révéler qui ne fût salutaire et utile à l’homme, et même qu’il ne saurait, à aucun prix, y avoir autre chose au monde. Peut-être pourra-t-on conclure de tout cela que la vérité, comme entité et ensemble, n’existe que pour les âmes à la fois puissantes et désintéressées, joyeuses et apaisées (telle qu’était celle d’Aristote), de même que ces âmes aussi seront seules à même de la chercher : car les autres cherchent des remèdes à leur usage, quel que soit d’ailleurs l’orgueil qu’ils mettent à vanter leur intellect et la liberté de cet intellect, — ils ne cherchent point la vérité. Voilà pourquoi la science procure si peu de joie véritable à ces autres hommes qui lui font un reproche de sa froideur, de sa sécheresse et de son inhumanité : c’est là le jugement des malades sur les jeux de ceux qui se portent bien. — Les dieux de la Grèce, eux aussi, ne s’entendaient pas à consoler ; lorsque l’humanité grecque finit par tomber malade, elle aussi, ce fut une raison pour que périssent de pareils dieux.

425.

Nous autres dieux en exil ! — Par des erreurs au sujet de son origine, de sa situation unique, de sa destinée, et par des exigences qui reposaient sur ces erreurs, l’humanité s’est élevée très haut et elle s’est sans cesse « surpassée elle-même » : mais, par ces mêmes erreurs, des souffrances indi-