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Page:Nietzsche - Aurore.djvu/356

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AURORE

oiseau qui vient et s’envole et qui ne porte pas de nom dans son bec ! C’est ma joie de me rassasier ainsi au banquet du grand nombre.

471.

Un autre amour du prochain. — L’allure agitée, bruyante, inégale, nerveuse est en opposition avec la grande passion : celle-ci, demeurant au fond de l’homme comme un brasier silencieux et sombre, accumulant là toute chaleur et toute impétuosité, permet à l’homme de regarder au-dehors, avec froideur et indifférence, et imprime aux traits une certaine impassibilité. De tels hommes sont bien capables à l’occasion de manifester de l’amour du prochain, — mais cet amour est d’une autre espèce que celui des gens sociables et avides de plaire : il s’affirme dans une douce bienveillance, contemplative et calme. Ces hommes regardent en quelque sorte du haut de leur tour, qui est leur forteresse et par cela même leur prison : — le regard jeté au dehors, dans ce qui est étranger et différent, leur fait tant de bien !

472.

Ne point se justifier. — A : Mais pourquoi ne veux-tu pas te justifier ? — B : Je le pourrais en cela et en mille autres choses, mais je méprise le plaisir qu’il y a dans la justification : car tout cela importe peu pour moi, et je préfère porter sur moi des taches que de procurer à ces gens mesquins le plaisir perfide de se dire : « Il accorde beaucoup