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Page:Nietzsche - Aurore.djvu/48

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AURORE

derrière les sentiments il y a les jugements et les appréciations qui nous sont transmis sous forme de sentiments (prédilections, antipathies). L’inspiration qui découle d’un sentiment est petite-fille d’un jugement — souvent d’un jugement erroné ! — et, en tous les cas, pas d’un jugement qui te soit personnel. — C’est obéir plus à son grand-père, à sa grand-mère et aux grands-parents de ceux-ci, qu’aux dieux qui sont en nous, notre raison et notre expérience.

36.

Une folie de la piété pleine d’arrière-pensées. — Comment ! les inventeurs des antiques cultures, les premiers constructeurs d’instruments et de cordeaux, de chariots, de canots et de maisons, les premiers observateurs de la conformité des lois du système céleste et de la table de multiplication, — seraient différents des inventeurs et des observateurs de notre temps et supérieurs à ceux-ci ? Les premiers pas en avant auraient une valeur que n’égaleraient pas tous nos voyages, toutes nos navigations circulaires dans le domaine des découvertes ? Ainsi parle la voix du préjugé ; on argumente ainsi pour rabaisser l’importance de l’esprit actuel. Et pourtant il est évident qu’autrefois le hasard fut le plus grand inventeur et le plus grand observateur, le bienveillant inspirateur de cette époque ingénieuse et que, pour les inventions les plus insignifiantes que l’on fait maintenant, on use plus d’esprit, plus d’énergie et d’imagination scientifique