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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/138

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HUMAIN, TROP HUMAIN


pour le mal de dents, lui suffisent même dans les souffrances les plus graves. Plus l’empire des religions et de tous les arts de narcotisme perd de terrain, plus strictement les hommes se proposent la véritable suppression des maux, ce qui tombe, il est vrai, mal pour les poètes tragiques — car on trouve pour la tragédie toujours moins de matière, parce que le domaine du destin impitoyable, inéluctable, se fait toujours plus étroit, — mais plus mal encore pour les prêtres : car ceux-ci n’ont vécu jusqu’ici que de l’assoupissement des maux humains.

109.

Connaissance est douleur. — Qu’on aimerait à faire de ces affirmations fausses des homines religiosi, qu’il y a un Dieu, qu’il exige de nous le bien, qu’il est surveillant et témoin de toute action, de tout moment, de toute pensée, qu’il nous aime, que dans tout malheur il veut notre plus grand bien, — qu’on aimerait à en faire l’échange contre des vérités qui seraient aussi salutaires, calmantes et bienfaisantes que ces erreurs ! Mais de telles vérités n’existent pas ; la philosophie peut tout au plus leur opposer à son tour des apparences métaphysiques (au fond, également des faussetés). Mais c’est justement ce qui fait la tragédie, qu’on ne peut croire ces dogmes de la religion et de la méta-