c’est sur les erreurs de la raison qu’elle s’est insinuée
dans l’existence ; elle a peut-être parfois, étant mise
en péril par la science, introduit mensongèrement
dans son système une théorie philosophique, afin
qu’on l’y trouvât plus tard établie : mais c’est là un
tourdethéologiens, du temps où une religion doute
déjà d’elle-même. Ces tours de la théologie, qui, à
la vérité, ont été pratiqués de bonne heure dans le
christianisme, religion d’un âge érudit, pénétré de
philosophie, ontconduit à cette superstition du sensus allegoricus, mais plus encore la coutume des philosophes (notamment des amphibies, philosophes
poètes et artistes philosophants) de traiter d’une
façon générale tous les sentiments qui se trouvaient
en eux comme essence fondamentale de l’homme,
et d’attribuer ainsi à leurs propres sentiments religieux une influence considérable sur la construction de leurs systèmes. Comme les philosophes
philosophaient plus d’une fois sous l’influence traditionnelle d’habitudes religieuses, ou du moins
sous l’empire hérité de longue date de ce fameux
« besoin métaphysique », ils arrivaient à des
opinions théoriques qui avaient en effet avec les
opinions religieuses, judaïques ou chrétiennes
ou indiennes, un grand air de ressemblance, —
comme les enfants en ont d’habitude avec leurs
mères : sauf que, dans ce cas, les pères ne s’expliquaient pas clairement, en voyant cette maternité,
comment cela pouvait bien se faire, — mais, dans
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HUMAIN, TROP HUMAIN