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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/203

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HUMAIN, TROP HUMAIN


une fois un bon coup, éveilleront l’attention, et dès lors feront des coups de plus en plus mauvais, pour des raisons bien naturelles. — Parfois, quand l’intelligence et le caractère manquent pour former un tel plan de vie artistique, c’est le destin et la nécessité qui prennent leur place et mènent pas à pas le maître futur à travers toutes les exigences de son métier.

164.

Danger et avantage du culte du génie. — La foi en des esprits grands, supérieurs, féconds, est, non pas nécessairement, mais très souvent, encore unie à cette superstition entièrement ou à demi religieuse, que ces esprits seraient d’origine surhumaine et posséderaient certaines facultés merveilleuses, au moyen desquelles ils acquerraient leurs connaissances par une tout autre voie que le reste des hommes. On leur attribue volontiers une vue immédiate de l’essence du monde, comme par un trou dans le manteau de l’apparence, et l’on croit que, sans la peine et les efforts de la science, grâce à leur merveilleux regard divinatoire, ils pourraient communiquer quelque chose de définitif et de décisif sur l’homme et le monde. Tant que le miracle en matière de connaissance trouve encore des croyants, peut-être peut-on accorder qu’il en provient une utilité pour les croyants mêmes, étant donné que