Aller au contenu

Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
HUMAIN, TROP HUMAIN


connaissance ultérieure, est après tout le plus haut ; s’y tenir est viril et prouve de la vaillance, de l’honnêteté, de la tempérance. Peu à peu, ce n’est plus seulement l’individu, mais l’ensemble de l’humanité qui s’élève à cette virilité, lorsqu’elle s’est accoutumée enfin à faire une estime plus haute des connaissances assurées, durables et a perdu toute croyance à l’inspiration et à la communication miraculeuse des vérités. — Les fervents des formes, il est vrai, avec leur échelle du beau et du sublime, auront d’abord de bonnes raisons de railler, dès que l’estime des vérités sans apparence et de l’esprit scientifique commence à prévaloir : mais c’est seulement parce que leur œil ne s’est pas encore ouvert à l’attrait de la forme la plus simple ou parce que les hommes élevés dans cet esprit n’en sont pas longtemps encore pleinement et intimement pénétrés, si bien que sans y penser ils poursuivent encore de vieilles formes (et cela assez mal, comme le fait quiconque ne met plus beaucoup d’intérêt à une chose). Autrefois, l’esprit n’était pas mis en réquisition par une stricte méthode de penser, alors son activité consistait à bien filer des symboles et des formes. Cela s’est modifié ; toute application sérieuse au symbolisme est devenue le caractère de la civilisation inférieure. De même que nos arts mêmes deviennent toujours plus intellectuels, nos sens plus spirituels, et de même que par exemple on juge aujourd’hui tout autrement de ce qui ré-