Aller au contenu

Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
249
HUMAIN, TROP HUMAIN

force d’un homme, d’une race. Il y a plutôt concours de deux éléments divers : d’abord, l’augmentation de la force stable plar l’union des esprits dans la communauté de croyance et de sentiment ; puis la possibilité d’atteindre des fins plus hautes par le fait qu’il apparaît des natures dégénérescentes, et par suite des affaiblissements et des lésions de cette force stable ; c’est précisément la nature la plus faible qui, étant la plus délicate et la plus indépendante, rend tout progrès généralement possible. Un peuple qui devient sur un point gangrené et faible, mais dans l’ensemble est encore robuste et sain, est capable de recevoir l’infection de l’élément neuf et de se l’incorporer à son avantage. Chez l’homme pris isolément, la tâche de l’éducation est celle-ci : lui faire une assiette si ferme et si sûre que, dans l’ensemble, il ne puisse plus être du tout détourné de sa route. Mais alors le devoir de l’éducateur est de lui faire des blessures ou de mettre à profit les blessures que lui fait la destinée, et lorsque ainsi la douleur et le besoin sont nés, il peut y avoir aux endroits blessés inoculation de quelque chose de neuf et de noble. Toute sa nature l’accueillera en elle-même et plus tard laissera l’ennoblissement se marquer dans ses fruits. — En ce qui concerne l’État, Machiavel dit que « la forme des gouvernements est de fort peu d’importance, quoi que des gens à demi cultivés pensent autrement. Le but principal de l’art de la politique devrait être la durée, qui