l’intelligence a peut-être été réservée à un seul âge
de l’humanité : elle s’est développée — et se développe,
car nous vivons encore dans cet âge — quand
une énergie extraordinaire de volonté, longtemps
accumulée, s’est exceptionnellement vouée à des fins
intellectuelles par héritage. C’en sera fait de cette
supériorité, lorsque cette fureur et cette énergie ne
seront plus retenues par degrands freins. L’humanité
arrive peut-être, à moitié de sa route, à la moitié
de son temps d’existence, plus près de son but propre
qu’à la fin. Il se pourrait que des forces, celles
par qui l’art par exemple est conditionné, vinssent
à périr complètement ; le plaisir du mensonge, de
l’imprécis, du symbolisme, de l’ivresse, de l’extase,
pourrait tomber dans le mépris. Oui, si jamais la
vie est organisée en un État parfait, il n’y aura plus
à tirer du présent aucun motif de poésie, et ce seraient
alors uniquement les hommes arriérés qui
demanderaient une fiction poétique. Ceux-là jetteraient
alors du moins avec mélancolie un regard en
arrière, vers les temps de l’État imparfait, de la
société à demi barbare, vers nos temps.
Génie et État idéal en contradiction. — Les socialistes désirent établir le bien-être pour le plus grand nombre possible. Si la patrie durable de ce bien-être, l’État parfait, était réellement atteinte, le bien-