Aller au contenu

Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
259
HUMAIN, TROP HUMAIN


l’intelligence a peut-être été réservée à un seul âge de l’humanité : elle s’est développée — et se développe, car nous vivons encore dans cet âge — quand une énergie extraordinaire de volonté, longtemps accumulée, s’est exceptionnellement vouée à des fins

intellectuelles par héritage. C’en sera fait de cette supériorité, lorsque cette fureur et cette énergie ne seront plus retenues par degrands freins. L’humanité arrive peut-être, à moitié de sa route, à la moitié de son temps d’existence, plus près de son but propre qu’à la fin. Il se pourrait que des forces, celles par qui l’art par exemple est conditionné, vinssent à périr complètement ; le plaisir du mensonge, de l’imprécis, du symbolisme, de l’ivresse, de l’extase, pourrait tomber dans le mépris. Oui, si jamais la vie est organisée en un État parfait, il n’y aura plus à tirer du présent aucun motif de poésie, et ce seraient alors uniquement les hommes arriérés qui demanderaient une fiction poétique. Ceux-là jetteraient alors du moins avec mélancolie un regard en arrière, vers les temps de l’État imparfait, de la société à demi barbare, vers nos temps.

235.

Génie et État idéal en contradiction. — Les socialistes désirent établir le bien-être pour le plus grand nombre possible. Si la patrie durable de ce bien-être, l’État parfait, était réellement atteinte, le bien-