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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/294

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HUMAIN, TROP HUMAIN

maîtres dont chaque parole, dont souvent l’aspect seul met une couche dépoussiéré sur un bon auteur. Mais voici où réside l’utilité que d’ordinaire on méconnaît — c’est que ces maîtres parlent la langue abstraite de la haute culture, lourde et difficile à comprendre, mais qui est une gymnastique supérieure du cerveau ; c’est que dans leur langage apparaissent continuellement des idées, des expressions, des méthodes, des allusions que les jeunes gens n’entendent presque jamais dans la conversation de leurs parents et dans la rue. Quand les écoliers ne feraient qu’entendre, leur intelligence subit bon gré mal gré une formation préalable à une manière de concevoir scientifique. Il n’est pas possible que de cette discipline on sorte ayant complètement échappé au contact de l’abstraction, en pur enfant de la nature.

267.

Apprendre plusieurs langues. — Apprendre plusieurs langues remplit la mémoire de mots, au lieu de faits et d’idées, quand cette faculté ne peut chez tout homme recevoir qu’une certaine quantité déterminée de contenu. Puis le fait d’apprendre plusieurs langues est nuisible, en ce qu’il produit l’illusion d’avoir des capacités, et dans le fait donne aussi dans les relations une certaine apparence décevante ; puis il est nuisible encore indirectement,