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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/36

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HUMAIN, TROP HUMAIN


développe encore dans chaque homme : le rêve nous reporte dans de lointains états de la civilisation humaine et nous met en main un moyen de les comprendre. Si penser en rêve nous devient aujourd’hui si facile, c’est que précisément, dans d’immenses périodes de l’évolution de l’humanité, nous avons été si bien dressés à cette forme d’explication fantaisiste et bon marché par la première idée venue. Ainsi le rêve est une récréation pour le cerveau, qui, dans le jour, doit satisfaire aux sévères exigences de la pensée, telles qu’elles sont établies par la civilisation supérieure. — Il y a un phénomène parent, que nous pouvons encore prendre en considération dans l’intelligence éveillée, comme portique et vestibule du rêve. Si nous fermons les yeux, le cerveau produit une foule d’impressions de lumière et de couleur, vraisemblablement comme une espèce de résonance et d’écho de tous ces effets lumineux qui, au jour, agissent sur lui. Mais de plus l’intelligence (de concert avec l’imagination) élabore aussitôt ces jeux de couleur, en soi sans formes, en figures déterminées, personnages, paysages, groupes animés. Le phénomène particulier qui accompagne ce fait est encore une espèce de conclusion de l’effet à la cause : tandis que l’esprit demande d’où viennent ces impressions de lumière et ces couleurs, il suppose comme causes ces figures, ces personnages ; ils jouent pour lui le rôle d’occasion de ces couleurs et de ces lumières, parce