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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/377

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HUMAIN, TROP HUMAIN

à autre — un moment où ils sortent de leur solitude taciturne et essaient encore une fois la force de leurs poumons : c’est qu’alors ils s’appellent comme des égarés dans une forêt, pour se faire reconnaître et s’encourager réciproquement ; dans ces cris d’appel, il est vrai qu’on entend bien des choses qui sonnent mal aux oreilles auxquelles ils ne sont pas destinés. — Enfin, bientôt après le calme se refera dans la forêt, un calme tel qu’on percevra de nouveau clairement le bruissement, le bourdonnement et le volètement des innombrables insectes qui vivent en elle, sur elle et sous elle.

439.

Civilisation et caste. — Une civilisation supérieure ne peut naître que là où il y a deux castes distinctes de la société ; celle des travailleurs et celle des oisifs, capables d’un loisir véritable ; ou en termes plus forts, la caste du travail forcé et la caste du travail libre. Le point de vue de la division du bonheur n’est pas essentiel, quand il s’agit de la production d’une civilisation supérieure ; mais en tout cas la caste des oisifs est la plus capable de souffrances, la plus souffrante, son contentement de l’existence est moindre, son devoir plus grand. Que s’il se produit un échange entre les deux castes, de sorte que les familles les plus basses, les moins intelligentes, tombent de la caste