Aller au contenu

Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
HUMAIN, TROP HUMAIN


au sujet sentant. Une troisième sensation nouvelle, résultat de deux sensations isolées précédentes, est le jugement dans sa forme la plus inférieure. — Nous, êtres organisés, rien ne nous intéresse à l’origine en chaque chose que son rapport avec nous en ce qui concerne le plaisir et la peine. Entre les moments où nous prenons conscience de ce rapport, entre les états de sensation, se placent des moments de repos, de non-sensation : alors le monde et toute chose sont pour nous sans intérêt, nous ne remarquons aucune modification en eux (de même que maintenant encore un homme violemment intéressé ne remarque pas que quelqu’un passe auprès de lui). Pour les plantes, toutes les choses sont ordinairement immobiles, éternelles, chaque chose identique à elle-même. C’est de la période des organismes inférieurs que l’homme a hérité la croyance qu’il y a des choses identiques (seule l’expérience formée par la science la plus haute contredit cette proposition). La croyance primitive de tout être organisé, au début, est peut-être même que tout le reste du monde est un et immobile. — Ce qui est le plus éloigné à l’égard de ce degré primitif du logique, c’est l’idée de causalité ; quand l’individu sentant s’observe lui-même, il tient toute sensation, toute modification, pour quelque chose d’isolé, c’est-à-dire d’inconditionné, d’indépendant: elle surgit de nous sans lien avec l’antérieur ou l’ultérieur. Nous avons faim, mais nous ne pensons