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Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/150

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de « devoir » se retournent — contre qui donc ? Il n’y a aucun doute : en premier lieu contre le « débiteur », chez qui maintenant la mauvaise conscience s’attache, s’introduit, s’étend et gagne en largeur et en profondeur à la façon des polypes, jusqu’à ce qu’enfin l’idée de l’impossibilité de se libérer de la dette engendre celle de l’impossibilité d’expier (l’idée de la punition éternelle) — ; en dernier lieu, aussi contre le « créancier », soit que l’on songe à la causa prima de l’homme, à l’origine de l’espèce humaine, l’ancêtre sur lequel on fait reposer une malédiction (« Adam », le « péché originel », privation du « libre arbitre »), soit encore à la nature du sein de laquelle l’homme est sorti et où l’on place maintenant le principe du mal (« diabolisation » de la nature), soit enfin à l’existence en général qui ne vaut pas la peine d’être vécue (éloignement pessimiste de la vie, désir du néant, désir d’un contraire, d’ « autre chose », bouddhisme et doctrines analogues) — et aussi jusqu’à ce que nous nous trouvions enfin devant l’effroyable et paradoxal expédient qui fit trouver à l’humanité angoissée un soulagement temporaire, ce soulagement qui fut le coup de génie du christianisme : Dieu lui-même s’offrant en sacrifice pour payer les dettes de