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Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/158

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que l’on rencontre à notre époque : des esprits fortifiés par la guerre et la victoire, pour qui la conquête, l’aventure, le danger, la douleur mêmes sont devenus des nécessités ; il faudrait l’habitude de l’air vif des hauteurs, l’habitude des marches hivernales, l’habitude des glaces et des montagnes, et je l’entends dans toutes les acceptions, il faudrait même un genre de sublime méchanceté, une malice suprême et consciente du savoir qui appartient à la pleine santé, il faudrait en un mot, et c’est triste à dire, cette grande santé elle-même ! Mais est-elle possible aujourd’hui ?… À une époque quelconque, dans un temps plus robuste que ce présent veule et découragé, il faudra pourtant qu’il nous vienne, l’homme rédempteur du grand amour et du grand mépris, l’esprit créateur que sa force d’impulsion chassera toujours plus loin de tous les « à-côtés » et de tous les « au-delà », l’homme dont la solitude sera méconnue par les peuples comme si elle était une fuite devant la réalité — : tandis qu’il ne fera que s’enfoncer, s’abîmer, s’enterrer dans la réalité, pour ramener un jour, lorsqu’il reviendra à la rédemption de cette réalité, le rachat de la malédiction que l’idéal actuel a fait peser sur elle. Cet homme de l’avenir qui nous délivrera à la fois de