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Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/202

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Ce doit être une nécessité d’ordre supérieur qui fait sans cesse croître et prospérer cette espèce hostile à la vie, — la vie même doit avoir un intérêt à ne pas laisser périr ce type contradictoire. Car une vie ascétique est une flagrante contradiction : un ressentiment sans exemple domine, celui d’un instinct qui n’est pas satisfait, d’un désir de puissance qui voudrait se rendre maître, non de quelque chose dans la vie, mais de la vie même, de ses conditions les plus profondes, les plus fortes, les plus fondamentales ; il est fait une tentative d’user la force à tarir la source de la force ; on voit le regard haineux et mauvais se tourner même contre la prospérité physiologique, en particulier contre l’expression de cette prospérité, la beauté, la joie ; tandis que les choses manquées, dégénérées, la souffrance, la maladie, la laideur, le dommage volontaire, la mutilation, les mortifications, le sacrifice de soi sont recherchés à l’égal d’une jouissance. Tout cela est paradoxal au suprême degré : nous nous trouvons ici devant une désunion qui se veut désunie, qui jouit de soi-même par cette souffrance et qui devient même toujours plus sûre de soi et plus triomphante, à mesure que sa condition première, sa vitalité physiologique va en dé-