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Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/225

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ascétique ? — Nous avons déjà vu combien peu de droits il a au titre de médecin, quoi qu’il mette tant de complaisance à se regarder comme « sauveur » et à se laisser vénérer comme tel. Il ne combat que la douleur même, le malaise de celui qui souffre, et non la cause de la maladie, non le véritable état maladif, — ce sera là notre grand grief contre la médication sacerdotale. Mais si l’on se place au point de vue que seul connaît et occupe le prêtre, on ne peut pas assez admirer tout ce qu’avec une pareille perspective il a vu, cherché et trouvé. L’adoucissement de la souffrance, la « consolation » sous toutes ses formes, c’est sur ce domaine que se révèle son génie : avec quelle hardiesse et quelle promptitude il a fait choix des moyens ! On pourrait dire, en particulier, que le christianisme est un grand trésor de ressources consolatrices des plus ingénieuses, tant il porte en lui de ce qui réconforte, de ce qui tempère et narcotise, tant il a risqué, pour consoler, de remèdes dangereux et téméraires ; il a deviné, avec un flair subtil, si raffiné, d’un raffinement tout oriental, les stimulants par lesquels on peut vaincre, ne fût-ce que par moments, la profonde dépression, la pesante lassitude, la noire tristesse de l’homme physiologiquement atteint. Car on peut dire qu’en