Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/254

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qu’ait connu l’Allemagne, et du ton qui lui plaisait par-dessus tout dans ses entretiens avec Dieu. La guerre entreprise par Luther contre les saints, médiateurs de l’Église (et en particulier contre « le pape, ce porc du diable »), n’était, en somme, cela est certain, que la rébellion d’un rustre à qui déplaisait la bonne étiquette de l’Église, cette étiquette cérémonieuse du goût hiératique, qui ne permettait l’approche du saint des saints qu’aux plus consacrés et aux plus silencieux, et laissait les rustres au dehors. Une fois pour toutes, les gens mal appris ne devaient pas avoir la parole, surtout ici, — mais Luther le paysan l’entendait tout autrement, cela n’était pas assez allemand pour lui : il voulait avant tout parler directement, en personne, « sans gêne » avec son Dieu… Eh bien ! il l’a fait. — L’idéal ascétique, on le conçoit, ne fut jamais et nulle part une école de bon goût, encore moins de bonnes manières, — il fut, au meilleur cas, une école de manières hiératiques — : c’est qu’il renferme en lui quelque chose qui est fatal aux bonnes manières, — le manque de mesure, la haine de la mesure, il est lui-même un « non plus ultra ».