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Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/273

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montrer par là son bon goût, — elle affirme aussi peu qu’elle nie, elle constate, elle « décrit »… Tout cela est certainement de l’ascétisme, mais à un plus haut degré encore, du nihilisme, qu’on ne s’y méprenne pas ! On remarque chez l’historien un regard triste, dur, mais résolu, — son œil regarde au loin devant lui, comme regarde l’œil d’un navigateur polaire (peut-être pour ne pas regarder en lui, pour ne pas regarder en arrière ?…) Partout de la neige, la vie est muette ici ; les dernières corneilles dont on entend la voix croassent : « À quoi bon ? », « En vain ! », et Nada ! » — rien ne pousse et ne croît plus ici, si ce n’est la métaphysique pétersbourgeoise et la « pitié » à la Tolstoï. Pour ce qui en est de cette autre variété d’historiens peut-être plus « moderne » encore, sensuelle en tout cas et voluptueuse, faisant des yeux doux à la vie tout comme à l’idéal ascétique, qui se sert du mot « artiste » comme d’un gant, et monopolise aujourd’hui l’éloge de la vie contemplative : oh ! que ces doucereux intellectuels vous donnent soif d’ascètes et de paysages d’hiver ! Non ! que le diable emporte toute cette tourbe « contemplative » ! Combien je préfère encore errer avec les historiens nihilistes à travers les brumes moroses, grises et froides ! —