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Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/103

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L’ESPRIT RELIGIEUX

sée », d’origines et d’espèces différentes, mais, avant tout, une majorité de ceux dont l’activité a fait disparaître, de génération en génération, les instincts religieux, de sorte qu’ils ne savent plus du tout à quoi servent les religions et qu’ils n’enregistrent plus qu’avec une sorte d’étonnement apathique leur présence dans le monde. Elles se trouvent déjà bien assez absorbées, ces excellentes personnes, soit par leurs affaires, soit par leurs plaisirs, pour ne point parler de la « patrie », de la lecture des journaux et des « devoirs de famille ». Il paraît qu’il ne leur reste plus du tout de temps pour la religion, encore qu’elles ne se rendent pas bien compte s’il s’agit là d’une nouvelle affaire ou d’un nouveau plaisir, car il est impossible, se disent-elles, qu’on aille à l’église, rien que pour se gâter la bonne humeur. Elles ne sont pas ennemies des coutumes religieuses. Si l’État exige, dans certains cas, leur participation à ces coutumes, elles font ce qui leur est demandé, comme on fait tant d’autres choses, — avec un sérieux patient et modeste, sans beaucoup de curiosité ou de déplaisir. Elles vivent beaucoup trop à l’écart et en dehors de tout cela, pour juger qu’il est nécessaire de se prononcer pour ou contre. La plupart des protestants allemands, dans les classes moyennes, font aujourd’hui partie de ces indifférents, soit qu’ils vivent dans les centres laborieux, industriels et commerciaux, soit qu’ils appartiennent au monde des sa-