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Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/206

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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

de choses dont il ne peut avoir aucune expérience. Cela est malheureusement vrai, surtout pour ce qui en est des philosophes et des questions philosophiques. Un très petit nombre de gens connaît ces hommes et ces questions, peut les connaître et pour ce qui les concerne les opinions populaires sont toutes erronées. Par exemple, cette véritable affinité philosophique qui existe entre une spiritualité hardie, excessive, qui va presto et une rigueur, une nécessité dialectique qui ne fait point de faux pas, est inconnue par expérience au plus grand nombre des penseurs et des savants ; ils ne peuvent donc y croire quand quelqu’un en parle devant eux. Ils se représentent toute nécessité comme une peine, comme une douloureuse contrainte d’aller de l’avant, et penser même passe chez eux pour quelque chose de lent, d’hésitant, presque comme une torture et assez souvent pour une chose « digne de la sueur des nobles », mais point du tout pour quelque chose de léger, de divin, qui est proche parent de la danse et de la pétulance ! « Penser » et prendre une chose « au sérieux » ou « pesamment », c’est tout un pour eux : ce n’est que de cette façon qu’ils l’ont « vécue ». — Les artistes possèdent peut-être ici un flair plus délicat : eux qui savent trop bien que c’est quand ils n’agissent plus volontairement, quand ils sont poussés par une impulsion nécessaire, que leur sentiment de liberté, de souplesse, de puissance, de création, de plénitude, leur sentiment de la forme