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Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/227

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NOS VERTUS

portons une camisole de force du devoir et nous ne pouvons nous en dégager. C’est par là que nous sommes « hommes du devoir », nous aussi ! Parfois, il est vrai, nous dansons dans nos « chaînes » et parmi nos « glaives ». Plus souvent, ajoutons-le, nous grinçons des dents et nous nous révoltons contre toutes les rigueurs secrètes de notre destinée. Mais quoi que nous fassions, les sots et l’apparence sont contre nous et disent : « Ce sont là des hommes sans devoirs ». — Nous avons toujours les sots et l’apparence contre nous.

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La probité, à supposer que la probité soit notre vertu, celle dont nous ne pouvons nous défaire, nous autres esprits libres — eh bien ! nous voulons y travailler avec toute notre méchanceté et tout notre amour, et nous ne serons jamais las de nous « perfectionner » dans notre vertu, la seule qui nous soit restée. Puisse son éclat, comme un crépuscule doré, bleuâtre et moqueur, illuminer quelque temps encore cette culture vieillissante et son sérieux maussade et morne. Et, si notre probité se sent un jour fatiguée, soupire et s’étire les membres et nous trouve trop durs et désire être traitée avec plus de ménagement, d’une manière plus légère et plus tendre, comme l’on fait d’un vice agréable : demeurons durs, nous autres derniers stoïciens ! et envoyons à son secours ce qui reste en nous de