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Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/249

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NOS VERTUS

Napoléon) étaient redevables de leur puissance et de leur empire sur les hommes à la force de volonté — et non à des maîtres d’école ! Ce qui, chez la femme, inspire le respect et souvent la crainte, c’est sa nature, qui est « plus naturelle » que celle de l’homme, sa souplesse et sa ruse de fauve, sa griffe de tigresse sous le gant, sa naïveté dans l’égoïsme, la sauvagerie indomptable de son instinct, l’immensité insaisissable et mobile de ses passions et de ses vertus… Ce qui, malgré la crainte qu’on éprouve, excite la pitié pour cette chatte dangereuse et belle — « la femme » — c’est qu’elle paraît être plus apte à souffrir, plus fragile, plus assoiffée d’amour, et condamnée à la désillusion plus qu’aucun autre animal. La crainte et la pitié : animé de ces deux sentiments, l’homme s’est arrêté jusqu’à présent devant la femme, un pied déjà dans la tragédie qui, tandis qu’elle vous ravit, vous déchire aussi —. Eh quoi ! cela finirait-il ainsi ? Est-on en train de rompre le charme de la femme ? Se met-on lentement à la rendre ennuyeuse ? Ô Europe ! Europe ! On connaît la bête à cornes qui a toujours eu pour toi le plus d’attraits, et que tu as encore à redouter ! Ton antique légende pourrait, une fois de plus, devenir de « l’histoire » — une fois encore une prodigieuse bêtise pourrait s’emparer de ton esprit et t’entraîner ! Et nul dieu ne se cacherait en elle, non ! rien qu’une « idée », une « idée moderne » ! — —