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Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/277

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PEUPLES ET PATRIES

cette discipline pour la moraliser et l’humaniser. L’Anglais, plus morne, plus sensuel, plus énergique et plus brutal que l’Allemand, est, pour cette raison même qu’il est le plus grossier des deux, plus pieux que l’Allemand : c’est qu’il a plus encore que lui besoin du christianisme. Pour un odorat un peu subtil, il y a jusque dans ce christianisme anglais un parfum éminemment anglais de spleen et d’excès alcooliques ; c’est précisément là contre qu’il est destiné à servir, poison plus délicat contre un poison grossier, et c’est fort bien fait : pour des peuples très grossiers, une intoxication délicate est déjà un progrès, un pas dans la voie de l’esprit. La pesanteur et la rusticité sérieuse des Anglais trouve, après tout, son déguisement, ou mieux son expression et sa traduction les plus supportables dans la gesticulation chrétienne, la prière et les psaumes, et peut-être, pour tout ce bétail d’ivrognes et de débauchés qui apprit jadis l’art des grognements moraux à la rude école du méthodisme, et qui l’apprend aujourd’hui à l’Armée du Salut, la crampe du repentir est-elle relativement le plus haut rendement « d’humanité » qu’on puisse en tirer : cela, je l’accorde volontiers. Mais ce qui est intolérable, même chez l’Anglais le plus perfectionné, c’est son manque de musique, pour parler au figuré (et aussi au propre) ; dans tous les mouvements de son âme et de son corps, il n’a ni mesure ni danse, il n’a pas même un désir de mesure et de danse, de