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Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/29

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LES PRÉJUGÉS DES PHILOSOPHES

soit permis de désigner par ce mot la croyance qui considère l’âme comme quelque chose d’indestructible, d’éternel, d’indivisible, comme une monade, comme un atome. C’est cette croyance qu’il faut expulser de la science ! Il n’est d’ailleurs nullement nécessaire, soit dit entre nous, de se débarrasser de l’« âme » elle-même et de renoncer à l’une des hypothèses les plus anciennes et les plus vénérables, comme il arrive de le faire à la maladresse des naturalistes qui, dès qu’ils touchent à l’« âme », la perdent aussitôt. Mais la vie reste ouverte à de nouvelles conceptions plus subtiles de l’âme, considérée comme une hypothèse, et des idées comme celle de l’« âme mortelle », de l’« âme, pluralité de sujets », de l’« âme, coordinatrice des instincts et des passions », veulent dorénavant avoir droit de cité dans la science. Cependant, le psychologue nouveau, en mettant fin à la superstition qui pullulait jusqu’à présent autour de la notion de l’âme, avec une abondance presque tropicale, s’est, en quelque sorte, rejeté lui-même dans un nouveau désert et une nouvelle méfiance. Il se peut que les psychologues anciens s’en soient tirés plus agréablement. Mais, en fin de compte, le nouveau psychologue se voit condamné par là à inventer — et, qui sait, peut-être aussi à découvrir. —