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Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/317

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QU’EST-CE QUI EST NOBLE ?

usant des mêmes paroles, l’un des deux sent, pense, pressent, éprouve, désire, craint autrement que l’autre. (La crainte de « l’éternel malentendu » : tel est le bienveillant génie qui retient si souvent des personnes de sexe différent de contracter les unions précipitées que conseillent les sens et le cœur ; ce n’est nullement une sorte de « génie de l’espèce », comme l’a imaginé Schopenhauer — !) Savoir quels sont, dans une âme, les groupes de sensations qui s’éveillent le plus rapidement, qui prennent la parole, donnent des ordres, c’est là ce qui décide du classement complet de la valeur de ces sensations, c’est là ce qui, en dernière instance, fixe leur table de valeur. Les appréciations d’un homme présentent des révélations au sujet de la structure de son âme, montre où celle-ci voit ses conditions d’existence, son véritable besoin. Si l’on admet donc que, de tous temps, le besoin n’a rapproché que des hommes qui pouvaient désigner, au moyen de signes semblables, des nécessités semblables, des impressions semblables, il résulte dans l’ensemble, des impressions semblables, il résulte dans l’ensemble, que la facilité de communiquer le besoin, c’est à dire en somme, le fait de n’éprouver que des sensations moyennes et communes, a dû être la force la plus puissante de toutes celles qui ont dominé l’homme jusqu’ici. Les hommes les plus semblables et les plus ordinaires eurent toujours et ont encore l’avantage ; l’élite, les hommes raffinés et rares, plus difficiles à comprendre,