Aller au contenu

Page:Noailles - La domination, 1905.pdf/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
LA DOMINATION

et loua un petit appartement Fondamenta Bragadin. Il se mit à travailler.

« Il ne se peut pas, songeait-il, que cette Venise, éprise des jeunes hommes, qui enivra lord Byron, qui versa Tristan à Wagner, et qui, sans même être connue de lui, porta bonheur à Shakespeare, ne s’émeuve une fois encore sous un effort passionné… »

Et, en quelques jours, Antoine Arnault vit s’augmenter le poème violent et noir qu’il dédiait à cette ville.

Il vécut de la vie provinciale de Venise. À midi et le soir, il s’asseyait à la terrasse des cafés, abrités par des toiles contre le vif soleil d’argent.

Offensé de se sentir inconnu dans l’endroit du monde où il eût préféré régner, il regardait pourtant avec une douce pitié s’asseoir aux petites tables, près de lui, les jeunes artistes vénitiens, qui vont vivre et vieillir