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LA DOMINATION

— Hélas, lui disait-il, avec une impitoyable langueur, tes larmes ne touchent pas uniquement mon âme, ma bien-aimée !…

« C’est curieux, pensait-il ; le chagrin, qui l’affine encore, la rend plus subtile aussi. Voici qu’elle mène à son gré son mari et moi. Elle m’aime, et pourtant ne meurt point. Cette âme s’éveille à la vie, à d’habiles ménagements. Jalouse, elle serait bien plus touchante. »

Il ne restreint plus sa cruauté.

Un jour, il s’emporte contre la jeune femme jusqu’à lui reprocher sa pâleur, sa tristesse, ses bras amaigris.

— Vous n’êtes pas gaie, lui dit-il. Ne retrouverai-je donc jamais ce que j’aimais en vous, votre rire, votre ingénuité, votre gentillesse à vivre ?

Et, sans colère, penchée contre son amant, le corps, les mains découragés, emplie d’amour, buvant enfin à la douleur, les yeux