Aller au contenu

Page:Noailles - Les Éblouissements, 1907.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’ENIVREMENT


Printemps, mets ton charmant visage dans mon cou,
Ô ma chère saison, enchantons-nous de vivre ;
Sur la douée colline où chaque fleur s’enivre,
Le matin marche avec ses souliers de bambou.

Dans l’espace éclatant, le soleil solitaire
Est si large, si mol, si vif et desserré,
Qu’on ne sait plus, tant l’air est un cercle doré,
S’il descend de la nue ou jaillit de la terre !

Au bord de leur jardin et d’un étroit verger,
Devant la grille basse et close sur la route,
Les maisons, où le miel de la chaleur s’égoutte,
Sont vives comme l’herbe et blanches comme Alger.

Tous les petits jardins s’abritent sous leur arbre,
Le beau silence semble un bassin d’azur frais ;
La jeunesse du temps pose ses pieds secrets
Sur les dormants cailloux de granit et de marbre.