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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/100

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valent les plaisirs et le bonheur dont l’image t’avoit séduite, et tu ne t’en iras plus. C’est, entre nous, pour le siècle et pour l’éternité. Rentre donc avec confiance dans le rang que tu occupois parmi mes filles. Tu trouveras dans ta cellule, dont tu n’as pas oublié le chemin, l’habit que tu y avois laissé, et tu revêtiras avec lui ta première innocence, dont il est l’emblème ; c’est une grâce peu commune que je devois à ton amour, et que j’ai obtenue pour ton repentir. Adieu, sœur custode de Marie ! Aimez Marie comme elle vous a aimée !

C’étoit Marie, en effet ; et quand Béatrix éperdue releva vers elle ses yeux inondés de larmes, quand elle étendit vers elle ses bras palpitants, en lui jetant une action de grâces brisée par ses sanglots, elle vit la sainte Vierge monter les degrés de l’autel, rouvrir la porte du tabernacle, et s’y rasseoir dans sa gloire céleste sous son auréole d’or et sous ses festons d’épines fleuries.

Béatrix ne redescendit pas au chœur sans émotion. Elle alloit revoir ses compagnes dont elle avoit trahi la foi, et qui avoient vieilli, exemptes de reproche, dans la pratique d’un devoir austère. Elle se glissa parmi ses sœurs, le front baissé, et prête à s’humilier au premier cri qui annonceroit sa réprobation. Le cœur vivement agité, elle prêta une oreille attentive à leurs voix, et elle n’entendit rien. Comme aucune d’elles n’avoit remarqué son départ, aucune d’elle ne fit attention à son retour. Elle se précipita aux pieds de la sainte Vierge, qui ne lui avoit jamais paru si belle, et qui sembloit lui sourire. Dans les rêves de sa vie d’illusions, elle n’avoit rien compris qui approchât d’un tel bonheur.

La divine fête de Marie (car je crois avoir dit que ceci se passoit le jour de l’Assomption) s’accomplit dans un mélange de recueillement et d’extase dont les plus belles des solennités passées avoient à peine donné l’idée à cette communauté de vierges, sans tache comme leur reine. Les unes avoient vu tomber du tabernacle des lu-