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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/104

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LES AVEUGLES DE CHAMOUNY.



Je voyois pour la seconde fois cette belle et mélancolique vallée de Chamouny que je ne dois plus revoir !

J’avois parcouru avec un plaisir nouveau cette gracieuse forêt de sapins qui enveloppe le village des Bois. J’arrivois à cette petite esplanade, de jour en jour envahie par les glaciers, que dominent d’une manière si majestueuse les plus belles aiguilles des Alpes, et qui aboutit par une pente presque insensible à la source pittoresque de l’Arveyron. Je voulois contempler encore son portique de cristal azuré qui tous les ans change d’aspect, et demander quelques émotions à ces grandes scènes de la nature. Mon cœur fatigué en avoit besoin.

Je n’avois pas fait trente pas que je m’aperçus, non sans étonnement, que Puck n’étoit pas près de moi. — Hélas ! vous ne l’auriez pas décidé à s’éloigner de son maître, au prix du macaron le plus friand, de la gimblette la plus délicate ; — il tarda même un peu à se rendre à mon appel, et je commençois à m’inquiéter, quand il revint, mon joli Puck, avec la contenance embarrassée de la crainte, et cependant avec la confiance caressante