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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/140

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le font la plupart des hommes, mais pour s’informer du moyen de les aider dans leurs entreprises et de les secourir dans leurs tribulations. Le plus âgé des trois, auquel il s’étoit adressé, prit donc la parole et s’exprima ainsi :


HISTOIRE DE DOUBAN LE RICHE.


Seigneur, je suis né à Fardan, qui est une petite ville du Fitzistan, dans le royaume de Perse, et je m’appelle Douban. Je suis l’aîné de quatre enfants mâles, dont le second s’appeloit Mahoud, le troisième Pirouz, et le quatrième Ebid, et mon père nous avoit eus tous les quatre d’une seule femme qui mourut fort jeune, ce qui le décida sans doute à se remarier, pour qu’une autre mère eût soin de nous. Celle qu’il nous donna dans ce dessein n’étoit guère propre à servir ses vues, car elle étoit avare et méchante. Comme notre fortune passoit pour considérable, elle fit le projet de se l’approprier, et mon père ayant été obligé de s’absenter plusieurs mois, elle résolut de mettre ce temps à profit pour exécuter ses desseins. Elle feignit de s’adoucir un peu en notre faveur pour nous inspirer plus de confiance, et les premiers jours ainsi passés avec plus d’agrément que nous n’étions accoutumés à en trouver auprès d’elle, cette mauvaise personne nous leurra tellement des merveilles du Fitzistan et du plaisir que nous goûterions à y voyager en sa compagnie, que nous en pleurâmes de joie. Nous partîmes, en effet, peu de temps après, dans une litière bien fermée, dont elle ne soulevoit jamais les portières, par respect, disait-elle, pour la loi qui défend aux femmes de se laisser voir, et nous voyageâmes ainsi pendant soixante journées, sans apercevoir ni le ciel ni la terre, tant il s’en falloit que nous pussions nous faire une idée du chemin que nous avions parcouru et de la