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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/172

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pondis-je fièrement, et s’il n’y a point de femmes parmi vous, comme je le suppose, je puis l’avouer sans inconvénient pour la tranquillité publique. Maintenant, que demandez-vous de moi ?

Je ne vous dissimulerai point, seigneur, que ma vue produisit sur ces étourdis son effet accoutumé. Ils se recueillirent toutefois après un moment de sottes risées, et celui d’entre ceux qui paroissoit exercer une certaine autorité sur les autres, descendant de cheval avec un embarras respectueux, vint ployer le genou et s’humilier à mes pieds.

— Seigneur, dit-il, en frappant la terre de son front, qu’il vous plaise d’agréer le timide hommage de vos esclaves. La divine Aïscha, notre reine, qui s’étoit glissée ce matin derrière une des portières de la salle du conseil, pendant votre entretien avec son auguste époux, et qui en connoît les funestes résultats, n’a pu se défendre d’un mouvement d’amour pour votre glorieuse et ravissante personne. En attendant des jours plus propices pour vous rappeler à sa cour, dont vous êtes destiné à faire l’ornement, elle nous a ordonné de venir vous offrir ces présents et ces équipages, et de vous accompagner partout où il vous conviendra de nous conduire. Dis-lui bien, Chélébi, a-t-elle ajouté en tournant sur moi des yeux pleins de la plus touchante langueur, que les minutes de son absence se compteront par siècles dans la vie de la malheureuse Aïscha, et que la seule espérance de le revoir bientôt peut soumettre mon cœur au cruel tourment de l’attendre !

En achevant ces paroles, elle a perdu la couleur et la voix, et nous l’avons laissée presque évanouie dans les bras de ses femmes.

— Levez-vous, Chélébi, lui répondis-je, et disposez-vous à me suivre. Nous avons, hélas ! de vastes contrées à traverser avant que je rentre dans les États de votre souveraine, si je dois y rentrer jamais ! Soumet-