Aller au contenu

Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je t’implore donc avec assurance, continua-t-elle. Apprends, puissant roi de tous les rois, que la jalousie seule m’a excitée à trahir le mystère qui couvroit ces criminelles amours. Le charmant prince de Fardan s’étoit rendu maître de mon cœur, jusqu’ici inflexible, et j’étois prête à lui faire le sacrifice de mon innocence, quand il osa former l’audacieux projet de te ravir ta favorite. Il avoit paru lui-même touché de mes foibles attraits, et le bonheur de ton esclave alloit passer tous ses vœux, si les séductions de Zénaïb n’avoient rompu de si beaux liens. Rends-moi, rends-moi l’époux qui m’abandonne, et je m’engage à fixer désormais le volage de manière à ne plus le perdre ! C’est la grâce que je t’ai demandée.

— En effet, repartit l’empereur en détournant de Boudroubougoul ses yeux effrayés, ce genre de supplice n’a peut-être rien à envier à tous ceux qu’inventeroit l’imagination des hommes. Que le prince de Fardan soit ton époux, car telle est notre volonté souveraine. Je ferai plus, fidèle Boudroubougoul, en faveur d’une si digne alliance. Je t’accorde pour dot la meilleure forteresse du Petcheli, et une garde de cinq cents guerriers qui veilleront aux déportements de ton séducteur, car je n’entends pas qu’il reparoisse jamais aux regards de ce sexe facile dont il surprend si insolemment les bonnes grâces. Qu’on l’amène en ma présence pour entendre son arrêt.

Les gardes me poussèrent devant l’empereur, et j’y restai immobile et comme terrassé sous le coup de foudre qui venoit de m’accabler.

Il y eut alors un moment de silence que j’essayois inutilement de m’expliquer à moi-même, et qui se termina par des éclats d’un genre si extraordinaire, que je ne pus me défendre de relever la tête pour en connoître la cause. Ma vue avoit produit sur la cour de Xuntien le même effet que sur la cour d’Imerette ; mais comme les