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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/238

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— Le diable ! dit Anastasie en croisant les mains dans l’attitude de l’oraison ; pensez-vous qu’il soit ainsi fait ?…

— Il y a grande apparence, observa gravement madame Huberte, qui n’avoit cessé depuis longtemps de défiler les grains du rosaire.

— Ne s’est-il pas nommé ? reprit Julienne un peu rassurée ; Colas Papelin et le diable, c’est la même chose.

— Ces deux noms sont exactement synonymes, ajouta d’un air posé demoiselle Ursule, qui étoit nièce et filleule du curé.

— Je l’avois soudainement reconnu, dit Cyprienne ; je l’ai vu tant de fois attiser ainsi le feu, quand je m’endormois sur mon fuseau !

— Et moi, dit Maguelone, embrouiller malignement les poils de nos chèvres, quand je veillois dans l’étable !

— Ce doit être lui, observa tout à coup la petite Annette, la fille du meunier Robert, qui égare nos ânesses en sifflant dans le bois !

— Il a bien voulu nous égarer aussi, répondit à basse voix sa sœur Catherine, et le malin au juste-au-corps rouge a fait plus d’un de ses tours au bord du ruisseau de la combe.

— Libera nos, Domine ! s’écria la vieille Huberte en tombant à deux genoux.

On pense bien que les jeunes filles suivirent aussitôt son exemple, et qu’elles ne se séparèrent pas à la cloche des matines sans avoir purifié la cuisine de dame Huberte par des prières, des fumigations de buis consacré, et des aspersions d’eau bénite.

Le lendemain matin, comme les gens du hameau se rendoient à l’office au moutier qui en est séparé par quelques broussailles, Toussaint Oudard quitta tout à coup le bras de sa mère et s’arrêta au-devant de sa petite troupe, en l’avertissant d’un geste et d’un cri de ne pas