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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/341

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À ce dernier signal, Baptiste entra, salua, s’approcha de sa mère, s’assit sur ses genoux, et lia un bras caressant autour de ses épaules.

— Vous voilà donc bien sage et bien beau ! dit la mère de Baptiste en le baisant sur le front. Voyez, monsieur, si je n’ai pas un aimable enfant ! un doux et docile enfant, qui sera mon enfant toute la vie, comme si je l’avois gardé au berceau ? Pensez-vous que je sois à plaindre ?

Elle pleuroit pourtant.

— Ce n’est pas tout, Baptiste ; il faut vous récréer un peu, car vous n’avez pas encore pris d’exercice aujourd’hui, bien que l’air fût si tiède et le soleil si riant ! Jamais on n’a vu tant de papillons ! Vous savez, d’ailleurs, que nous avons deux serins verts des dernières couvées qui n’ont point de femelles, et il y a longtemps que vous pensez à remplacer votre vieux chardonneret, qui est mort d’âge !

Baptiste fit entendre par des gestes et des cris de joie que sa mère alloit au-devant de ses désirs.

— Allez donc mettre vos guêtres de ratine rouge et votre toque polonoise à gland d’or pour faire honneur à monsieur, et conduisez-le jusqu’auprès de la Bée de l’Ain, où vous l’attendrez en chassant à votre ordinaire. Je n’ai pas besoin de vous dire que vous me feriez de la peine en l’accompagnant plus loin.

Je regardois Baptiste avec un intérêt curieux pour savoir quel effet produisoit sur lui cette défense, car je croyois avoir pénétré une partie de son secret dans le récit de sa mère. Je ne m’aperçus pas que le nom de la Bée d’Ain lui rappelât rien autre chose. Il alla mettre sa toque polonoise et ses guêtres de ratine rouge, revint, embrassa la bonne femme, et courut devant moi en sifflant, tandis que tous les oiseaux du bois se hâtoient à chanter et voleter autour de lui. J’imaginai sans peine qu’ils se seroient posés à l’envi sur la toque et sur les