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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/363

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droit royal de dernière possession, la propriété des immenses pays qu’il avoit parcourus, ce n’étoit ni Bélus, ni Sésostris : c’étoit la fourmi Termès.

Les foibles débris de la famille humaine qui échappèrent à la ruine des villes, aux obsessions opiniâtres de la mouche homicide et aux ardeurs du seymoun, furent trop heureux de se réfugier dans les contrées disgraciées qui ne reçoivent du soleil que des rayons obliques, pâlis par d’incessantes vapeurs, et de relever des villes pauvres, fétides, pétries de fange ou d’ossements calcinés délayés avec du sang, et fières, pour toute gloire, de quelques ignobles monuments qui trahissent partout l’orgueil, l’avarice et la misère.

Dieu ne s’irrite que dans le langage des orateurs et des prophètes auxquels il permet quelquefois d’interpréter sa parole ; il sourit aux erreurs qu’il méprise, aux fureurs mêmes qu’il sait réparer ; car rien de tout ce qui a été n’a cessé d’être qu’en apparence ; et il ne crut pas que la création eût besoin d’un autre vengeur qu’une pauvre fourmi en colère. « Patient, parce qu’il est éternel, » il attendit que la fourmi Termès se fût creusé des routes sous les mers, et qu’elle vînt ouvrir des abîmes sous les cités d’une espèce qu’il ne daigneroit pas haïr, s’il étoit capable de haine ; il la croit assez punie par sa démence et ses passions.

L’homme bâtit encore, et la fourmi Termès marche toujours.

FIN DES CONTES DE LA VEILLÉE