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Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/133

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LE ROI GRATTAFICO


Les médecins et les chirurgiens pouvaient
Librement exercer leur métier partout,
Mais s’ils osaient faire des consultations,
Ils étaient, de par la loi, condamnés au feu ;
Cet édit fut rendu le jour même
Où un poète fut estropié en vertu d’une consultation.

Les prêtres et les moines étaient
Par lui fort bien vus en matière de religion ;
Mais, quand ils prétendaient tout régenter,
Se mêler de tout, ils étaient tenus en bride,
Et s’ils voulaient faire l’amour avec les dames,
Il les faisait châtrer par punition.

Aussi le peuple, sous son gouvernement,
Vivait heureux et content au possible :
Mais chacun, en bien réfléchissant,
Était pour l’avenir triste et effrayé,
Parce que, si le Roi mourait sans enfants,
Le pays était menacé de terribles dangers.

En vertu d’une bulle du pape Patacca,
À sa mort, le royaume tombait
Au pouvoir du tyran Taccamacca,
Qui commettait mille meurtres et mille cruautés ;
Qu’il suffise de dire seulement qu’à son repas
Souvent il mangeait un petit enfant rôti.

Aussi, un jour, après que dans le Sénat
Eut été discutée à fond cette grave affaire,
Il fut décidé qu’on enverrait au Roi
Un député, le plus éloquent possible,
Et assez habile pour faire naître en lui
Le désir de s’unir à une femme.