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Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/167

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COMME ELLES SONT


Les choses allant ainsi, les villes étaient
Remplies d’eunuques, de pauvres gens
Qui, habitués à avoir les mains pleines
Au lever du jour, ne trouvaient plus rien
Entre leurs cuisses veuves ; et cet accident
Faisait rire les uns, sangloter les autres.

Des procès qui étaient portés au tribunal
Qui pourrait dire le nombre infini ?
» Justice ! » s’écriait l’une, « Monsieur ! une telle
» A volé à mon mari son affaire. »
Et, comme elle insistait : — « Pardieu ! » répondait le juge,
« Qu’y puis-je faire ? elle m’a volé la mienne aussi ! »

De telles plaintes à chaque instant
Les hautes murailles d’Astrée retentissaient ;
Des femmes, qu’unissait naguère une tendre amitié,
Souvent pour ce motif se prenaient aux cheveux ;
Les curés en avaient par dessus la tête
Pour arranger tant de contestations et de procès.

Bien des servantes furent mises à la porte,
Perdant leurs gages et leur bonne renommée,
Pour avoir astucieusement dérobé
Quelque bel engin à une orgueilleuse dame,
Qui le jetait dans la rue, si elle le rattrapait,
Comme le reste d’une vile plébéienne.

Les dévotes furent accusées
De voler aux belles dames les outils
Pour leur usage ; mais un de nos moines défendit
Leur honneur (c’était le père Agapito),
En prouvant que, pour avoir pareil instrument,
Elles étaient toutes abonnées avec le couvent.