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Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/274

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LE MORT


Les beaux esprits s’en donnèrent de rire ; les gens graves et sots,
Les pédants gonflés de science,
Condamnèrent pensées, phrases et mots,
Et plusieurs de cette nombreuse assistance,
Terriblement las et impatientés, dirent :
« Voyez quels fieffés imbéciles produit Salamanque ! »

Après un long babillage, et sans conclure,
Frère Marco, encapuchonné dans son manteau,
Tout plein d’amour, de confusion,
Se rendit à sa cellule, accompagné
Du frère lai Carlo, qui lui servait
De valet de chambre, de maquereau, d’espion.

À peine rentré, tout triste et bien affligé,
Après un long soupir, il lui parla ainsi :
« Pauvre diable que je suis ! Mon frère Carlo, je suis frit !
» Un trait aigu m’a percé le cœur…
» J’aime une beauté céleste, je l’adore,
» Et j’ignore et son rang et son nom.

» Tu m’auras vu rester en chaire
» Comme un hibou exposé aux rayons du soleil :
» C’est bien un soleil qui m’a ébloui !… À une si violente
» Attaque, je me suis trouvé le cœur sans défense.
» Peut-être la connais-tu… Tu habites
» Ici depuis longtemps et tu es au courant du pays.

» Une taille élancée…, un noble maintien…,
» La démarche majestueuse et dégagée…,
» Les cheveux blonds comme l’or…, du firmament
» Dans ses beaux yeux le délicieux azur…,
» Le nez un peu plus long qu’il ne faut…,
» La robe blanche et une jupe rose dessous…