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Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/390

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DONNA CHIARA


Et il cria aux sœurs : — « Si à l’avenir
» Vous ne respectez pas l’abbesse,
» Si dans le parloir un homme ose venir,
» Et si aux grilles, sauf pour entendre la messe,
» Vous avez l’audace de mettre votre visage,
» Je vous ferai, par Dieu ! murer vivantes. »

Disant ces mots, il les regarda de travers,
Tellement que l’inquiétude s’empara de presque toutes ;
Ensuite, il tourna furtivement les yeux
Sur les deux étoiles qui avaient blessé son cœur ;
Il branla la tête, il fit les yeux doux, voulant
Dire : — « Cette sévérité n’est pas pour vous. »

Il monta en carrosse après qu’il eut fait
Peur avec son visage et son discours ;
Il se mit dans un coin, pensif et absorbé,
Les sourcils froncés, pareil à un ours,
Et, tenant la tête penchée,
Cessa de distribuer des bénédictions.

Arrivé au palais, comme il en avait l’habitude,
Il ne songea pas à importuner le cuisinier ;
Il s’assit à table et ne mangea pas, car il avait
Le cœur plein d’amoureux désirs,
Et, ramenant sa pensée sur ce charmant visage,
Il crut voir le paradis ouvert devant lui.

Il sortit de table à jeun, ayant pris seulement
Le chocolat au lever du jour,
Et par-dessus une bouteille de Vino Santo
Avec les deux tiers d’un gâteau long d’une coudée ;
Mais un cœur généreux, quand il aime bien,
Ne se repaît que d’amour et n’a besoin de nourriture.