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Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/443

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MUSTAPHA


Comme des corneilles, attirées par l’infection
Que sur la rive d’un fleuve répand un cheval mort,
Les femmes accourent, hurlant comme des folles ;
Toutes sont heureuses et ravies de le tourmenter,
L’une frappe sa joue sèche et jaune,
Une autre lui saute à pieds joints sur le ventre.

Une autre lui flanque des soufflets par centaines,
Une autre des coups de poing sur le nez ;
Une autre saisit ses oreilles sourdes à la pitié
Et les lui tire : ainsi, dans une bande épaisse
De gamins, a coutume de faire le pion irrité
Qui n’entend rien, et veut punir.

Plus heureux est le renard, alors que vivant
Il tombe dans les pièges des paysans ;
La colère fait oublier aux femmes toute compassion :
Avec de grosses épingles elles lui crèvent les yeux,
Puis, elles saisissent son couteau meurtrier
Et en percent le cœur de ce tueur de femmes.

Lui qui lâchement avait pleuré et prié
Pour éviter le sort qu’il méritait,
De ses cris assourdit tout le voisinage ;
Il souffle, il enrage, et bien que près de la mort,
Le malandrin blasphème si fort,
Qu’on croirait voir l’agonie d’un charretier.

Enfin vomissant d’atroces et horribles injures
Contre l’Iman et contre Mahomet, il meurt.
De ses richesses alors prend possession
Capelbruno ; il en fait dames et maîtresses
Les onze femmes, et à chacune il trouve un époux
Beau, aimable, discret et vigoureux.


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