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Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/99

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LA GAGEURE


» Comme j’étais en cet état, le fermier Meo,
» Embrassant sa femme et se tournant vers moi,
» Lui fit quelques caresses de mari ;
» Il patina son beau sein, son gentil visage,
» Puis il me dit : — De grâce, mon petit père,
» Parlez-moi franc, ma femme vous plaît-elle ?

» Voyez quels cheveux ! Une jolie blonde
» Comme elle, cela s’est-il jamais vu ?
» Regardez ces beaux yeux ! et cette bouchette !
» Un vrai corail ! c’est l’amour même !
» Si vous voyiez son sein ! on dirait du lait ;
» Quels beaux tetons ! qu’ils sont durs et bien faits ! —

» En disant cela, il écarta le fichu
» Qui cachait sa blanche poitrine,
» Et à moi qui étais juste en face d’elle,
» Il montrait ce trésor enviable !
» À la vue d’un si bel objet, je demeurai
» Presque privé de sens et hors d’haleine.

» Le malin fermier, qui dans un tel état
» Me vit, donna un baiser à Dorotea,
» Et me dit : — Elle me rend heureux,
» Rien que de la voir me récrée ;
» Vous-même, si vous n’étiez pas moine, vous auriez
» Autant de plaisir à voir cela près de vous.

» Dites-moi, Fra Bernardino, qu’en feriez-vous
» Si les Dieux vous donnaient pareille femme ?
» À quel gentil usage l’emploieriez-vous ?
» — Foutre ! nom de Dieu ! je la f…rais !… —
» Voilà la stupide réponse que, pour mon malheur,
» Arrachèrent de mes lèvres le vin et l’amour.