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Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/161

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La vérité est que Dingo sentait ce qu’il y avait de mauvais, de putride dans l’âme des hommes, comme il reniflait l’odeur des petits cadavres d’animaux enfouis profondément dans la terre… Mais, aimant la pourriture, peut-être négligeait-il, détestait-il ceux qui n’en portaient pas l’odeur…

Quand je repense à tout cela, je me demande si j’ai eu raison de l’écouter et de lui sacrifier avec tant de légèreté tant de choses et tant de gens que j’aimais ?…

Même, en admettant qu’il ne se trompât point, m’a-t-il épargné du moins les démarches humiliantes, les ridicules sentimentaux, les déceptions, les erreurs, et toute cette tristesse affreuse des reniements, des trahisons ?… Je n’ose répondre à cette terrible question… Je n’en sais rien… je n’en veux rien savoir…

Ce que je sais, c’est que, grâce à lui, je suis enfin parvenu à cet admirable état, à cet état divin d’insociabilité, dont les philosophes pessimistes et les poètes décadents disent que c’est un état de parfait bonheur.

Parfait bonheur, soit… mais bonheur souvent bien douloureux.

Toutes les fois où, par un sot esprit de contradiction et aussi par une sotte protestation d’homme qui ne veut pas se laisser mener par les