Aller au contenu

Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Malgré les sourires, les humilités, les courbettes, les gestes onctueux, malgré cette usine de cyanure d’or et malgré l’admiration éperdue que maître Joliton professait pour Dingo, Dingo détestait le notaire. N’étant pas homme, homme de lettres surtout, il n’avait aucune vanité, du moins, aucune de leurs vanités. Il se méfiait des vains éloges et des compliments grossiers. Dès qu’il flairait, dès qu’il apercevait le notaire, il prenait une attitude nettement agressive. Il ne le quittait plus des yeux, et je vous assure que ses yeux étaient terriblement sévères. Si, par courtisanerie envers moi, le notaire s’essayait à caresser le chien, le chien aussitôt hérissait les poils de son échine, furieusement montrait les crocs, faisait entendre un grognement qui disait bien ce qu’il voulait dire, au sens de quoi maître Joliton ne pouvait pas se méprendre.

— Qu’il est amusant !… admirait-il, un peu pâle… Dieu ! que vous avez donc un chien amusant !… En vérité, je n’ai jamais vu un chien si amusant.

Et, habilement, il mettait une chaise, une petite table, entre lui et Dingo, tout en disant :

— J’adore les chiens… En Touraine, j’ai connu un chien… pas aussi beau… pas aussi beau, naturellement… enfin, un chien dans son genre… en moins beau, en beaucoup moins beau… Et même,